La déconstruction, grâce aux tours quelle permet, aura été, dans le cadre de ce livre, la porte d'entrée non pas sur une lecture de la différence sexuelle, mais sur un mode de lecture qui permet de saisir une certaine spécificité des textes contemporains de femmes, la façon dont y résonne la spectralité, c'est-à-dire la façon dont des «couples conceptuels» s'y trouvent dans « une brouille perpétue [...] Cet ouvrage porte la marque de Derrida à la fois comme lecteur de la différance et comme écrivain, comme celui qui joue avec les mots, avec le style, qui s'écrit tout autant qu'il lit et se lit en tant que lecteur, qui s'écrit comme la demeure des textes et de leurs auteurs. [...] Apprendre à vivre par l'entremise des fan- tômes, en s'entretenant avec eux4, de façon à comprendre qu'il n'y a pas d'adresse sans eux, que le fantôme est toujours là et que seule cette présente absence permet de conjurer le mal qu'est « la vie absolue, la vie pleinement présente5 » qui refuse de s'entretenir de la mort, qui renvoie les morts à la mort pour qu'ils ne fassent pas partie de la vie6. [...] Pourtant, ce que Derrida tâche de faire dans Eperons, c'est une lecture de la femme comme ce qui se refuse à la qualité de «sujet», à un discours qui voudrait poser la vérité et la poser comme vérité : « il n'y a pas de vérité en soi », écrit-il, « de la différence sexuelle en soi, de l'homme ou de la femme en soi » ; au contraire, l'ontologie, sous couvert d'un essentialisme en apparence sûr de l [...] La légèreté sentie alors, face à sa mort imminente — et dont il se demande si elle était due à l'impression d'être « libéré de la vie ? l'infini qui s'ouvre ? Ni bonheur, ni malheur15 » —, est dès lors remplacée par la culpabilité, « le tourment de l'injustice » et le spectre de cette mort qui n'a pas eu lieu : « Comme si la mort hors de lui ne pouvait désormais que se heurter à la mort en lui.